Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Marsh, que je te ferai connaître : il est original, il t’amusera. »

— « J’en doute fort, » dit Olivier : « les Américains et moi, nous ne nous entendons guère. L’inutile énergie de ces gens-là me fatigue, rien qu’à y songer… Et y en a-t-il ! Y en a-t-il ! En ai-je vu, au Caire ou sur le Nil, et des hommes et des femmes, tous riches, tous bien portants, tous actifs, tous instruits, tous regardant tout, comprenant tout, sachant tour, digérant tout ! … Et tous avaient fait, faisaient ou refaisaient le tour du monde. Ils me représentent, moralement, ces saltimbanques des foires qui avalent devant vous un poulet cru, une semelle de botte, une douzaine de balles de fusil, et qui boivent un verre d’eau fraîche par là-dessus… Où emmagasinent-ils la purée d’impressions incohérentes dont ils s’empâtent ? C’est une énigme… Enfin ton Yankee, à toi, est d’une autre espèce puisqu’il t’a plu. Et quel prince régnant ou détrôné avait-il à son bord ? »

— « Aucun ! » fit Hautefeuille, tout heureux de voir la misanthropie de son ami s’égayer maintenant d’humour… « II y avait sa nièce, miss Florence, qui a bien un peu cet estomac d’autruche dont tu te moques : elle peint, elle est archéologue, elle est chimiste, mais elle est aussi une bien brave fille… Il y avait une Vénitienne, la marquise Bonaccorsi, un Véronèse vivant ! … »

— « Je les aime mieux en peinture, » dit Olivier, « Ces ressemblances des Italiennes avec