Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/280

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celui qui en était l’objet inconscient, et qui, à ce moment même, pénétrait par les massifs dans le jardin de la villa Helmholtz, comme il avait fait une fois déjà, et se glissait jusqu’à la porte de la serre. Une femme l’attendait là, tremblant d’amour et de terreur. Quelle terreur ? Non pas celle d’être surprise dans ce rendez-vous d’amour : le courage d’Ely ne connaissait pas ces faiblesses. Mais elle savait qu’Olivier était revenu le jour même. Elle savait qu’il avait passé l’après-midi à causer avec Pierre. Elle savait que son nom avait été prononcé entre eux. Elle était bien sûre que Pierre n’avait pas trahi leur cher secret. Seulement il était si jeune, si naïf, si transparent au premier regard, et l’autre si pénétrant, si perçant ! Elle allait apprendre si son amour avait été ou non deviné par Olivier, si cet homme avait voulu ou non prévenir son ami contre elle, et se venger. Lorsqu’elle entendit le pas de Pierre, furtif et lent sur le gravier, son cœur battit d’un battement si fort qu’elle l’écouta retentir dans le grand silence de la serre… Il est là. Elle lui saisit la main. Elle sent que cette main lui répond par la même confiante étreinte. Elle le prend dans ses bras. Elle cherche sa bouche, et leurs lèvres s’unissent dans un baiser où elle le retrouve, où elle le possède tout entier, jusqu’au fond de l’âme. L’autre n’a pas parlé ! Et voici que des larmes coulent sur les joues de la femme amoureuse, de chaudes larmes que l’amant essuie de ses lèvres, et il lui demande :