Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/285

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et celui de son ancienne maîtresse. Le caractère de son ami lui faisait tout craindre pour lui ; le caractère de son ancienne maîtresse lui faisait tout craindre d’elle. Sur ce point aussi, les sentiments qu’il éprouvait étaient très complexes. Il était persuadé qu’Ely de Carlsberg avait eu un amant avant lui, et il en avait beaucoup souffert. Il était persuadé qu’elle avait eu un amant en même temps que lui, et il l’avait quittée sur cette certitude. Il se trompait, mais de bonne foi, et d’après des indices de coquetterie assez probants pour convaincre un jaloux. De cette double conviction il gardait à cette femme une rancune méprisante, cette inexpiable amertume qui nous contraint à sans cesse avilir dans notre pensée une image dont nous sentons avec désespoir qu’elle ne peut pas nous devenir entièrement indifférente. Il eût donc considéré comme un affreux malheur pour un homme quelconque une liaison avec une pareille créature, et voici qu’il entrevoyait qu’elle s’était fait aimer par son ami, du moins qu’elle pouvait s’en être fait aimer. Ayant pour cette nature de femme une si partiale, une si violente mésestime, Olivier devait aussitôt pressentir ce qui avait été la vérité, mais si peu de temps ! — Ely lui en avait voulu de son abandon. Elle avait gardé contre lui la rancune qu’il gardait contre elle. Le hasard l’avait mise en face de son plus cher ami, de ce Pierre Hautefeuille dont il se rappelait lui avoir parlé souvent avec exaltation. Elle avait dû vouloir se venger, d’une vengeance