Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/304

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un Marseillais… Hautefeuille ! tu connais mon cocher, l’Aîné ? À Cannes, il y a deux mois, par un jour où toutes les villas tremblaient, il me dit : « Aimez-vous notre Midi, monsieur Marius ? — Oui, lui répondit-je, s’il n’y avait pas de vent… — Hé ! pécheire, de vent ! … Il n’y a jamais de vent, depuis Marseille jusqu’à Nice. — Et ça ? lui dis-je en lui montrant un des palmiers de la Croisette qui s’en allait dans la mer tant il était courbé d’un seul côté. — De vent, ça ! monsieur Marius ! mais c’est pas de vent… C’est le mistral, qui rend le Provençal alerte ! … »

— « Le voici, le véritable amant de l’Italienne, » songeait Olivier. Il lui avait suffi de voir Hautefeuille en présence d’Andriana, une minute, pour en être sûr : ce n’était point là cette maîtresse inconnue auprès de qui le jeune homme avait passé une partie de la nuit dernière. L’entrée de Corancez avec elle, au contraire, leur visible intimité, le maladroit mensonge qu’elle s’était permis, la fascination exercée sur elle par le bagout du Méridional, ces divers indices ne permettaient pas le doute. « Oui, » se répétait Olivier, « c’est son amant… Ils sont dignes l’un de l’autre, cette belle grosse femme qui pourrait vendre des oranges sur le quai des Esclavons et ce bellâtre bavard ! Comme il avait raison, celui qui disait d’eux : « Vous tairez-vous, Bouches-du-Rhône ? » Et Hautefeuille qui l’écoute avec complaisance ! Hautefeuille qui ne paraît pas étonné que ces braves gens trimbalent leur adultère dans tous