Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/328

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les possibilités de la présence, — s’aimer tant, être si voisins et ne pas se voir ! — C’était le seul moyen, croyait-elle, d’empêcher que le soupçon naquît chez Olivier. Après ces trois longues journées de nostalgie, elle avait fini par donner rendez-vous à Pierre l’après-midi, et dans ce jardin de la villa Ellen Rock qui leur rappelait à tous deux une heure exquise. Tandis que sa voiture l’emportait vers le cap d’Antibes, elle regardait sur la crête des murs frémir les feuillages des rosiers grimpants, plus longs déjà, plus fournis, qui retombaient en lourdes branches au lieu de se dresser et qui projetaient une ombre plus épaisse. Un incendie de roses grandes ouvertes y brûlaient maintenant. Au pied des oliviers argentés, la poussée verte du jeune blé colorait la terre brune des champs. C’étaient les signes visibles qu’en ces trois semaines l’année avait passé de l’hiver au printemps, et la jeune femme en tressaillit, d’un petit frisson de tristesse. C’était comme si elle eût senti le temps s’écouler, et, avec le temps, son bonheur. Malgré le ciel d’un azur plus caressant et plus tiède encore, malgré la mer bleue, malgré les parfums épars dans l’air léger, malgré la féerie des fleurs écloses autour de ses pas, elle n’avait plus, en suivant les allées toujours bordées d’iris et de cinéraires, d’anémones et de pensées, son âme allègre de l’autre rendez-vous. Elle aperçut la silhouette d’Hautefeuille qui l’attendait sous le grand pin parasol au pied duquel ils s’étaient reposés ; tout de suite elle reconnut que lui non