Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/361

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coutume, et aucun n’avait échappé à sa femme. Il avait marché presque toute la nuit dans sa chambre, s’asseyant de demi-heure en demi-heure pour essayer d’écrire la lettre qu’il enverrait à Ely dans la matinée. Berhe, éveillée et l’oreille au guet, l’entendait, à travers la mince cloison de cet appartement d’hôtel, qui s’asseyait, se levait, se rasseyait, froissait, déchirait un papier, se relevait, froissait, déchirait un autre papier. Elle s’était dit : « Il lui écrit… » Ah ! comme elle aurait voulu se lever, elle aussi, ouvrir cette porte qui n’était même pas fermée à clef, entrer dans l’autre chambre et savoir si la constante anxiété de ces huit jours ne la trompait pas, si réellement Olivier avait retrouvé sa maîtresse de Rome, si cette femme était bien la cause de la visible crise qu’il traversait ; enfin, si, oui ou non, cette ancienne maîtresse était cette baronne Ely qu’elle avait espéré rencontrer dans un des salons de Cannes ! Mais son mari, elle ne savait comment, s’était arrangé pour qu’ils fussent tous les jours en excursion, et ils n’avaient pas fait une visite, pas dîné une fois chez une des personnes de leur connaissance. Elle était trop fine pour ne pas avoir compris qu’Olivier ne voulait ni fréquenter le monde à Cannes, ni quitter cette ville. Pourquoi ? Une seule donnée aurait permis à Berthe de résoudre cette énigme ; elle lui manquait. Mais qu’il y eût énigme, son instinct d’épouse le lui révélait avec une infaillible sûreté. À force de réfléchir et d’observer, elle était arrivée à cette