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Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/423

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faiblesses, à toutes les indulgences, à toutes les complicités !

De ces complicités, la première, la plus innocente lui fut demandée par Ely le surlendemain : — car pendant trente-six heures la migraine fut la plus forte. Comme tous les êtres d’une physiologie vigoureuse, Ely n’était jamais ni souffrante ni bien portante à demi. Quand elle eut enfin pu dormir du sommeil accablé qui suit de pareilles secousses, elle se retrouva aussi énergique, aussi volontaire qu’à la veille du coup qui l’avait foudroyée en plein bonheur, mais sans savoir comment employer cette énergie reconquise ; et de nouveau, elle se posa cette question dont la réponse dicterait toute sa conduite : « Pierre est-il encore à Cannes ? » Elle espéra que, dans l’après-midi, elle recevrait quelque visite qui la renseignerait. Mais aucune des personnes qui vinrent la voir ne prononça même le nom d’Hautefeuille, et elle-même ne se sentit pas le courage de nommer le jeune homme. Il lui semblait que sa voix ne pourrait pas articuler ces syllabes sans que son visage s’empourprât de sang et que son émotion éclatât immédiatement à tous les yeux. Pourtant elle n’eut chez elle, cette après-midi, que des amies sincères. Ce fut d’abord Florence Marsh, les yeux rayonnants d’une joie profonde et calme, son clair sourire sur sa bouche aux belles dents blanches :

— « Je viens vous remercier, chère baronne : je suis engagée avec M. Verdier. Je sais tout ce que nous vous devons et je ne l’oublierai pas… Mon