Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/426

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parti ? Et ce fut la question qui lui vint naturellement aux lèvres, aussitôt en tête-à-tête avec Mme Brion :

— « Tu as entendu, » lui dit-elle, « tout ce qu’ils, ont raconté ? … Je n’en sais pas plus qu’avant… Pierre est-il encore ici ? Et s’il y est, quand part-il ? … Ah ! Louise… »

Elle n’acheva pas. Le service qu’elle voulait demander à son amie était d’un ordre si délicat ! Elle avait honte elle-même de formuler son propre désir. Mais la tendre créature à qui elle s’adressait la comprit et lui fût reconnaissante de cette hésitation :

— « Pourquoi ne me confies-tu pas toute ta pensée ? » dit-elle. « Tu voudrais que j’essaie de le savoir pour toi. »

— « Mais comment feras-tu ? » reprit Ely, sans s’étonner de la facilité avec laquelle sa faible amie semblait prête à exécuter une mission trop opposée à son caractère, à ses principes, à sa raison aussi. Quel résultat pouvait donner cette enquête sur la présence de Pierre et son plus ou moins de durée probable ? N’était-ce pas l’occasion pour Louise de reprendre, avec plus de force encore, ses conseils de la première confidence ? Entre Mme de Carlsberg et Hautefeuille, désormais, il ne pouvait plus y avoir que le silence et l’oubli : se revoir, c’était pour tous deux se condamner à la plus vaine des explications et à la plus douloureuse. Se reprendre, c’était l’enfer. Tout cela, Louise Brion le savait bien ; mais elle savait en