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Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/460

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La maison continuait de se dresser toute close, toute silencieuse, avec le mystère de sa masse, noire par endroits, blanche à d’autres, où frappait la lumière électrique. Ce même vaste silence de la nuit que Pierre avait écouté du haut de la muraille, coupé d’aboiements lointains, continuait d’envelopper la campagne, et les arbres de frémir, et les fleurs d’exhaler leur parfum, et les étoiles de palpiter, et Olivier restait immobile sur le bord du jardin, à la place où il s’était rejeté pour n’être pas vu de son ami. Sa douleur, en ce moment, n’était plus de celles qui agissent et qui se débattent. — Dès qu’il s’était retrouvé en face de Pierre, à la table du déjeuner, ce visage bouleversé, ces yeux brillants, cette bouche frémissante, tout lui avait révélé qu’il se passait de nouveau quelque chose. Il était si las de tant de luttes, si las de toujours se heurter dans son propre cœur ou dans le cœur de son ami contre d’autres misères et encore d’autres misères ! Et puis, après leur conversation de la veille, que lui demander ? Et il s’était tû… À quoi bon se faire encore du mal l’un à l’autre ? … Puis, devant l’agitation croissante d’Hautefeuille, sa défiance s’était éveillée ; il s’était dit : « Elle lui a écrit pour lui donner un rendez-vous… » Mais non ! Au point où ils en étaient vis-à-vis l’un de l’autre, recevoir une lettre d’Ely, la lire et n’en point parler, c’était de la part de Pierre un crime d’amitié qu’il ne commettrait jamais. Olivier s’était raidi à se démontrer la folie de ce soupçon. Puis la visible fièvre de son ami l’avait gagné