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Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/77

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une fois de plus, ce que je sais, qu’il m’aime aussi, cela m’a touchée à un point trop malade, voilà tout. J’aurais dû en être heureuse, n’est-ce pas ? Tu vois que j’en suis bouleversée… Si tu savais dans quelles conditions ce sentiment est venu me prendre, pauvre chère, c’est alors que tu plaindrais ton Ely. Ah ! plains-la, plains-la ! »

Et, posant sa tête enfantinement sur l’épaule de sa compagne, voilà qu’elle se mit à pleurer, pleurer, comme une enfant, en effet, tandis que l’autre, affolée de cette soudaine explosion, lui disait, révélant jusque dans sa pitié la naïveté de l’honnête femme, incapable de soupçon :

— « Je t’en supplie, calme-toi. C’est vrai : c’est un affreux malheur pour une femme que de se laisser envahir par un amour qu’elle n’a pas le droit de satisfaire… Mais, n’aie pas de remords, et, surtout, ne crois pas que je te blâme. Quand je t’ai parlé comme j’ai fait, c’était pour te mettre en garde contre le chagrin que tu pouvais causer… Je le vois trop, que tu n’as pas été coquette. Je sais que tu n’as pas permis à ce jeune homme de deviner le sentiment qu’il t’a inspiré. Je sais qu’il ne le devinera jamais, et que tu seras toujours mon irréprochable Ely… Calme-toi, souris-moi. N’est-ce donc rien que d’avoir auprès de soi une amie, une vraie amie pour te comprendre ? »

— « Me comprendre ? » répondit la baronne Ely. « Pauvre Louise ! Tu m’aimes, oui, tu m’aimes bien. Mais, » acheva-t-elle d’une voix profonde, « tu ne me connais pas… » Puis, avec