Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/94

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ombrage. Comme son bras a tremblé contre le mien, hier, quand je la lui ai nommée ! … Bah ! Marsh ou sa nièce lui en parleront, ou ils ne seraient pas des Américains. C’est leur manière, à ces gens-là, et qui leur réussit, de dire tout haut à tout le monde tout ce qu’ils pensent et tout ce qu’ils veulent… S’il accepte ? Est-il prudent d’avoir ce témoin de plus ? … Mais oui : plus il y aura de personnes dans le secret, plus Navagero sera maté au jour de la grande explication… Dans le secret ? Avec trois femmes dans la confidence ! … Mme de Carlsberg racontera tout à Mme Brion ? Et puis après ? Flossie Marsh racontera tout au jeune Verdier ? Peut-être. Ces petites Américaines ont des loyautés d’hommes. Mettons tout de même qu’elle fuie. Et puis après ? … Hautefeuille ? Hautefeuille est le plus sûr des quatre… Comme il y a des gens qui changent peu ! Voilà un garçon que j’avais à peine revu depuis le collège : il est aussi simple, aussi naïf qu’à l’époque où nous confessions nos peccadilles de collégiens au brave abbé Taconet… La vie ne lui a rien appris. Il ne se doute seulement pas que la baronne est amoureuse de lui autant qu’il est amoureux d’elle. Il faudra qu’elle lui fasse une déclaration la première. Si nous pouvions en causer, elle et moi ! … Laissons agir la nature. Une femme de trente ans, belle, ardente, intelligente, qui a envie d’un jeune homme et qui ne se le paie pas, ça se voit peut-être dans les affreux brouillards du Nord, mais avec ce soleil et parmi ces fleurs ? Jamais… Bon