une rue, et au milieu de maisons en ruines. Je continue à marcher à grands pas, toujours guidé par la musique. Arrivé à l’extrémité de la rue, je vois un édifice éclairé ; c’est de là que viennent les sons graves qui continuent toujours. Je marche directement dessus, et, après avoir tourné plusieurs fois, je me trouve arrêté par une petite muraille qui semble servir d’enceinte à l’édifice que je reconnais pour une église.
Ne voulant pas me fatiguer davantage à chercher l’entrée, je me décide à escalader la muraille et pour m’assurer qu’elle n’est pas assez haute, je sonde de l’autre côté avec mon fusil. Voyant qu’il n’y avait pas plus de trois à quatre pieds de haut, je monte dessus et je saute de l’autre côté. Mes pieds ayant rencontré quelque chose de bombé, je tombe sur mes genoux ; je me relève sans m’être fait mal, je fais encore quelques pas et je sens que le terrain n’est pas égal. Pour ne pas tomber, je m’appuie sur mon fusil. Je m’aperçois, bientôt que je suis au milieu de plus de deux cents cadavres à peine recouverts de neige. Pendant que j’avance en trébuchant, appuyé sur mon fusil, et que mes pieds s’enfoncent et sont quelquefois tenus entre les jambes et les bras de ceux sur lesquels je marche, et qui semblent arrangés avec symétrie, afin de faire place à d’autres, des chants lugubres se font entendre. Il me semble que c’est l’office des morts. Les paroles de Beloque me reviennent à la mémoire ; une sueur me prend, je ne sais plus ce que je fais, ni où je vais. Je me trouve, je ne sais comment, appuyé contre le derrière du chœur de l’église.
Revenu un peu à moi en dépit du tintamarre diabolique qui continue, je marche, appuyé d’une main contre le mur, et je me trouve à la porte que je vois ouverte et par où une fumée épaisse sort. J’entre et je me trouve au milieu d’individus que je prends pour des ombres, tant il y a de fumée. Ces individus continuent à chanter et d’autres à jouer des orgues. Tout à coup, une grande flamme s’échappe, la fumée se dissipe ; je regarde où je suis et avec qui ; un des chanteurs s’approche de moi et s’écrie : « C’est mon sergent ! » Il m’avait reconnu à ma peau d’ours, et, à mon tour, je reconnais des soldats de la compagnie ; que l’on juge de ma surprise en les voyant dans cet état de gaîté ! J’allais leur faire des questions, lorsque l’un d’eux s’ap-