possédais encore. Mon paysan fut tellement content qu’il m’aurait, si j’avais voulu, porté sur son dos. Nous continuâmes à marcher dans un endroit parsemé d’hommes et de chevaux morts qui, le matin, avaient, comme l’on dit, péri au port. Beaucoup d’armes se trouvaient à terre ; mon paysan ramassa une carabine et des cartouches en me disant qu’il voulait se battre contre les Russes.
Après bien du mal, nous arrivâmes sur le haut de la montagne où les Prussiens étaient déjà en bataille. Deux cents hommes, dont les trois quarts étaient de la Garde, se trouvaient en face d’ennemis qui consistaient en cavalerie dont une partie était en éclaireurs, et, comme les Bavarois avaient, en battant en retraite, laissé quelques hommes sur le haut de la montagne, avec deux pièces de canon, deux coups chargés à mitraille suffirent pour les faire disparaître. Comme la position n’était pas tenable, à cause du froid, nous fîmes demi-tour pour revenir en ville, où le désordre était à son comble. La terreur s’était emparée de la garnison, composée presque entièrement d’étrangers ; les uns se mettaient en disposition de quitter la ville, en chargeant des voitures, des traîneaux, des chevaux. En même temps, l’on entendait crier : « Qui a vu mon cheval ? Où est ma voiture ? Arrêtez donc celui qui se sauve avec mon traîneau ! » Ce désordre était particulièrement causé par les bandes de voleurs qui s’étaient organisées au commencement de la retraite, dont j’ai signalé plus haut l’existence, et qui, voyant une bonne occasion, en profitaient pour enlever voitures, chevaux et traîneaux chargés de vivres, d’or et d’argent, car, en grande partie, toutes ces dispositions de départ étaient faites par des commissaires des guerres, des fournisseurs et d’autres employés de l’armée, qui durent, dès ce moment, faire cause commune avec nous, tandis que les voleurs filaient sur la route de Kowno, certains de ne pas être suivis.
En passant dans le faubourg, je ne voulus pas entrer dans la maison où s’étaient logés les débris de notre bataillon ; je voulais entrer en ville pour deux choses, d’abord pour du pain dont j’étais certain d’avoir avec Picart, et aussi pour que l’on puisse dire que je venais de faire partie de la petite expédition qui venait de chasser les Russes. Mais nous