dont les Anglais avaient coupé le pont. Il était venu avec nous en Allemagne ; en 1809, il avait assisté aux batailles d’Essling et de Wagram, ensuite il était encore retourné en Espagne en 1810 et 1811. C’est de là qu’il partit avec le régiment, pour faire la campagne de Russie, mais, en Saxe, il fut perdu ou volé, car Mouton était un beau caniche : dix jours après notre arrivée à Moscou, nous fûmes on ne peut plus surpris de le revoir ; un détachement composé de quinze hommes, parti de Paris quelques jours après notre départ, pour rejoindre le régiment, étant passé dans l’endroit où il était disparu, le chien avait reconnu l’uniforme du régiment et suivi le détachement.
En marchant au milieu d’hommes, de femmes et même de quelques enfants, je regardais toujours si je ne voyais pas Daubenton, dont je regrettais d’être séparé ; mais en arrière, je n’aperçus que le maréchal Ney avec son arrière-garde, qui prenait position sur la petite butte où les Hessois avaient été attaqués.
Après cette échauffourée, je fus encore forcé de m’arrêter, tant je souffrais de mes coliques. Devant moi, je voyais la montagne de Ponari, depuis le pied jusqu’au sommet. La route, située aux trois quarts du versant gauche, se dessinait par la quantité de caissons portant plus de sept millions d’or et d’argent, ainsi que d’autres bagages, dans des voitures conduites par des chevaux dont les forces étaient épuisées, de sorte que l’on se voyait forcé de les abandonner.
Un quart d’heure après, j’arrivai au pied de la montagne où on avait bivouaqué pendant la nuit ; l’on y voyait encore l’emplacement de feux, dont une partie encore allumée, et autour desquels plusieurs hommes se chauffaient pour se reposer avant de la monter. C’est là que j’appris que les voitures, parties la veille, à minuit, du faubourg de Wilna, et arrivées à un défilé, n’avaient pu aller plus avant. Un des premiers caissons s’étant ouvert en se renversant, l’argent en avait été pris par ceux qui étaient près de là. Les autres voitures furent obligées d’arrêter depuis le haut jusqu’au bas. Beaucoup de chevaux s’étaient abattus pour ne plus se relever.
Pendant que l’on me contait cela, on entendait la fusillade de l’arrière-garde du maréchal Ney et, sur notre gauche, on