Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/285

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de la division du général Loison, que nous avions rencontrés mourant de froid, avant d’arriver à Wilna.

Les hommes qui étaient avec moi dans l’écurie se couchèrent autour du feu. Tant qu’à moi, comme il me restait encore un morceau de cheval à moitié cuit, je le mangeai pour ne pas me laisser mourir : ce fut le dernier avant de quitter ce pays de malheur.

Après, je voulus m’endormir, mais les douleurs, qui commencèrent à se faire sentir, l’emportèrent sur le sommeil. Cependant, à son tour, le sommeil l’emporta, et je reposai tant bien que mal, je ne sais combien de temps. Lorsque je me réveillai, j’aperçus les trois soldats arrivés après nous qui se disposaient à partir, et cependant il était loin de faire jour. Je leur demandai pourquoi. Ils me répondirent qu’ils allaient s’installer dans une maison qu’ils avaient découverte, pas bien loin de notre écurie, et où il y avait de la paille et un poêle bien chaud ; que la maison était occupée par un homme, deux femmes et quatre soldats de la garnison de Kowno, dont deux soldats du train et deux autres de la Confédération du Rhin.

Aussitôt, je me disposai à les suivre, mais je ne pouvais pas abandonner Faloppa. En regardant à la place où je l’avais laissé, ma surprise fut grande de ne plus le voir, mais les soldats me dirent que, depuis plus d’une heure, il ne faisait que rôder dans l’écurie, en marchant à quatre pattes et faisant des hurlements comme un ours. Comme notre feu ne donnait plus assez de clarté, j’eus de la peine à le découvrir : à la fin, je le trouvai et, pour le voir de plus près, j’allumai un morceau de bois résineux. Lorsque je l’approchai, il se mit à rire, jeta des cris absolument comme un ours, en nous poursuivant les uns après les autres, et toujours en marchant sur les mains et les pieds. Quelquefois il parlait, mais en italien ; je compris qu’il pensait être dans son pays, au milieu des montagnes, jouant avec ses amis d’enfance ; par moments, aussi, il appelait son père et sa mère ; enfin le pauvre Faloppa était devenu fou.

Comme il fallait provisoirement l’abandonner pour aller voir le nouveau logement, je pris mes précautions pour que, pendant mon absence, il ne lui arrivât rien de fâcheux : nous éteignîmes le feu et fermâmes la porte. Arrivés au