Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/32

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nous avions conduits jusqu’auprès de Moscou, nous les avions laissés, par ordre, à l’entrée de la ville.

Le palais du gouverneur est assez grand ; sa construction est tout à fait européenne. Dans le fond de la grand’porte se trouvent deux beaux escaliers très larges, qui sont placés à droite et finissent par se réunir au premier où se trouve un grand salon avec une grande table ovale dans le milieu, ainsi qu’un tableau de grande dimension dans le fond, représentant Alexandre, empereur de Russie, à cheval. Derrière le palais se trouve une cour très vaste, entourée de bâtiments à l’usage des domestiques.

Une heure après notre arrivée, l’incendie commença : on aperçut, sur la droite, une épaisse fumée, ensuite des tourbillons de flammes, sans cependant savoir d’où cela provenait. Nous apprîmes que le feu était au bazar, qui est le quartier des marchands : « Probablement, disait-on, que ce sont des maraudeurs de l’armée qui ont mis le feu par imprudence, en entrant dans les magasins pour y chercher des vivres ».

Beaucoup de personnes qui n’ont pas fait cette campagne disent que l’incendie de Moscou fut la perte de l’armée : tant qu’à moi, ainsi que beaucoup d’autres, nous avons pensé le contraire, car les Russes pouvaient fort bien ne pas incendier la ville, mais emporter ou jeter dans la Moskowa les vivres, ravager le pays à dix lieues à la ronde, chose qui n’était pas bien difficile, car une partie du pays est déserte, et, au bout de quinze jours, il aurait fallu nécessairement partir. Après l’incendie, il restait encore assez d’habitations pour loger toute l’armée, et, en supposant qu’elles fussent toutes brûlées, les caves étaient là.

À sept heures, le feu prit derrière le palais du gouverneur : aussitôt le colonel vint au poste et commanda que l’on fît partir de suite une patrouille de quinze hommes, dont je fis partie : M. Serraris vint avec nous et en prit le commandement. Nous nous mîmes en marche dans la direction du feu, mais, à peine avions-nous fait trois cents pas, que des coups de fusil, tirés sur notre droite et dans notre direction, vinrent nous saluer. Pour le moment, nous n’y fîmes pas grande attention, croyant toujours que c’étaient des soldats de l’armée qui étaient ivres. Mais, cinquante pas