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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/330

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roi Murat où l’on devait donner des ordres pour indiquer les endroits où les débris des différents corps devaient se réunir. Je me disposai à y aller, afin d’y rencontrer mes camarades. Picart me fit la barbe, qui n’avait pas été faite depuis notre départ de Moscou, avec un mauvais rasoir que nous avions trouvé dans le portemanteau du Cosaque tué le 23 novembre, et, quoiqu’il le repassât sur le fourreau de son sabre et ensuite sur sa main pour lui donner le fil, il ne m’en écorcha pas moins la figure.

L’heure venue, nous sortîmes de notre logement pour aller au rendez-vous. L’appel devait se faire dans une grande rue. Les militaires de toute arme s’y rendaient. Plusieurs des vieux de la Garde avaient poussé l’ambition, et cela pour se faire remarquer, jusqu’à s’arranger comme pour un jour de grande parade : en les voyant, l’on aurait pensé qu’ils arrivaient plutôt de Paris que de Moscou. Au lieu du rendez-vous, j’eus le bonheur de rencontrer tous ceux avec qui j’étais le jour d’avant, ainsi que bien d’autres que je n’avais pas vus depuis Wilna, mais nous étions peu nombreux. Grangier me dit : « J’espère que tu ne nous quitteras plus ; tu vas venir à notre logement et, comme l’on est autorisé à prendre des traîneaux ou des voitures pour se faire conduire, nous tâcherons d’en trouver ». Nous restâmes assez longtemps dans la rue, en attendant le roi Murat. Pendant ce temps, on était surpris de rencontrer des amis, de retrouver vivants ceux que l’on pensait morts. J’eus le plaisir de rencontrer le sergent Humblot, avec qui j’avais voyagé la veille et dont j’avais été séparé dans les bois, au moment du hourra. J’appris aussi que les cantinières Marie et la mère Gâteau étaient arrivées à bon port.

Le roi Murat ne venant pas, l’on prit les noms des hommes incapables de marcher, afin de les faire partir le lendemain, à six heures du matin, avec des traîneaux que les autorités fournissaient. Nos camarades s’occupèrent d’en chercher, mais il leur fut impossible d’en trouver. Il fallut s’en consoler en se disposant à passer une bonne nuit, afin de pouvoir marcher le jour suivant.

Picart m’avait dit qu’il voulait me parler avant de nous séparer. À peine l’ordre du départ fut-il donné, que je sentis une grosse tape sur l’épaule ; c’était lui. Il me fit signe,