Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/34

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étaient comme des enragés. Enfin, pour en finir, nous fûmes obligés de les mettre hors de combat.

Nous nous dépêchâmes à faire une visite dans la maison ; en visitant une chambre, nous aperçûmes deux ou trois hommes qui s’étaient sauvés : en nous voyant, ils furent tellement saisis qu’ils n’eurent pas le temps de prendre leurs armes, sur lesquelles nous nous jetâmes ; pendant ce temps, ils sautèrent en bas du balcon.

Comme nous n’avions trouvé que deux hommes, et qu’il y avait trois fusils, nous cherchâmes le troisième, que nous trouvâmes sous le lit, et qui vint à nous sans se faire prier et en criant : « Bojo ! Bojo ! » qui veut dire : « Mon Dieu ! Mon Dieu ! » Nous ne lui fîmes aucun mal, mais nous le réservâmes pour nous servir de guide. Il était, comme les autres, affreux et dégoûtant, forçat comme eux, et habillé de peau de mouton, avec une ceinture de cuir qui lui serrait les reins. Nous sortîmes de la maison. Lorsque nous fûmes dans la rue, nous y trouvâmes les deux forçats qui avaient sauté par la fenêtre : un était mort, ayant eu la tête brisée sur le pavé ; l’autre avait les deux jambes cassées.

Nous les laissâmes comme ils étaient, et nous nous disposâmes à retourner sur la place du Gouvernement. Mais quelle fut notre surprise lorsque nous vîmes qu’il était impossible, vu les progrès qu’avait faits le feu : de la droite à la gauche, les flammes ne formaient plus qu’une voûte, sous laquelle il aurait fallu que nous passions, chose impossible, car le vent soufflait avec force, et déjà des toits s’écroulaient. Nous fûmes forcés de prendre une autre direction et de marcher du côté où les seconds coups de fusil nous étaient venus ; malheureusement, nous ne pouvions nous faire comprendre de notre prisonnier, qui avait plutôt l’air d’un ours que d’un homme.

Après avoir marche deux cents pas, nous trouvâmes une rue sur notre droite ; mais, avant de nous y engager, nous eûmes la curiosité de visiter la maison aux coups de fusil, qui paraissait de très belle apparence. Nous y fîmes entrer notre prisonnier, en le suivant de près ; mais à peine avions-nous pris ces précautions, qu’un cri d’alarme se fit entendre, et nous vîmes plusieurs hommes se sauvant avec des