Aller au contenu

Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous rendîmes sur la grande place, en face du palais où était logé le roi Murat. En arrivant, j’aperçus l’adjudant-major Roustan qui, s’approchant de moi, me demanda qui j’étais. Je me mis à rire : « Tiens, dit-il, ce n’est pas vous, Bourgogne ? Le diable m’emporte ! On ne dirait pas que vous arrivez de Moscou, car vous paraissez gros, gras et frais. Et votre queue, ou est-elle ? » Je lui répondis qu’elle était tombée : « Eh bien, reprit-il, si elle est tombée, en arrivant à Paris je vous mets aux arrêts jusqu’au temps qu’elle soit repoussée ! »

À cette première réunion, il y avait peu de monde, mais on se revoyait avec plaisir car, depuis Wilbalen, 17 décembre, on ne s’était pour ainsi dire pas rencontrés. Chacun avait marché pour son compte et par des chemins différents.

Les jours suivants se passèrent de même : un appel par jour. Le quatrième de notre arrivée, on nous annonça la mort d’un officier supérieur de la Jeune Garde, mort du chagrin que lui avait causé la fin tragique d’une famille russe, mais d’origine française, domiciliée à Moscou, qu’il avait engagée à le suivre pendant la retraite, et dont j’ai raconte la triste fin, avant notre arrivée à Smolensk. J’appris qu’il était arrive à Elbing trois jours avant nous, mais que, deux jours après, étant de garde chez le roi Murat, au moment où il s’avançait, pour se chauffer, près d’une grande cheminée, sans penser qu’il avait placé sa giberne devant lui afin qu’elle ne le gênât pas pour se reposer, une étincelle mit le feu à la poudre, une explosion eut lieu et, par suite de cet accident, il eut la figure, les moustaches et les cheveux brûlés. On m’assura qu’il n’avait rien de bien grave, qu’il en serait quitte pour changer de peau.

Le 29 décembre, je commençais à bien me rétablir. L’enflure de ma figure avait disparu, le pied gelé allait bien, ainsi que la main, et tout cela grâce aux soins de Mme Gentil qui me soignait comme un enfant. Son mari, que je n’avais pas encore vu, revint de voyage. Il ne resta que deux jours chez lui ; il en repartit avec des marchandises pour aller rejoindre son beau-père qui les expédiait en Russie par des traîneaux, les communications étant libres depuis que nous n’y étions plus. Il me conta qu’il avait servi dans le 3e hussards pendant trois ans, et qu’après