Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/36

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deux sentinelles qui venaient de s’apercevoir que le feu était au palais. Effectivement il sortait, par plusieurs endroits, une fumée épaisse, noire, et puis rougeâtre, et, en un instant, l’édifice fut tout en feu. Au bout d’un quart d’heure, le toit en tôle colorié et verni s’écroula avec un bruit effroyable et entraîna avec lui les trois quarts de l’édifice.

Après avoir fait plusieurs détours, nous entrâmes dans une rue assez large et longue, où se trouvaient, à droite et à gauche, des palais superbes. Elle devait nous conduire dans la direction d’où nous étions partis, mais le forçat qui nous servait de guide ne pouvait rien nous enseigner ; il ne nous était utile que pour porter quelquefois notre blessé, car il commençait à marcher avec peine. Pendant notre marche, nous vîmes passer, près de nous, plusieurs hommes avec de longues barbes et des figures sinistres, et que la lueur des torches à incendie, qu’ils portaient à la main, rendait encore plus terribles ; ignorant leurs desseins, nous les laissons passer.

Nous rencontrâmes plusieurs chasseurs de la Garde, qui nous apprirent que c’étaient les Russes eux-mêmes qui brûlaient la ville, et que les hommes que nous avions rencontrés étaient chargés de cette mission. Un instant après, nous surprîmes trois de ces misérables qui mettaient le feu à un temple grec. En nous voyant, deux jetèrent leurs torches et se sauvèrent ; nous approchâmes du troisième, qui ne voulut pas jeter la sienne, et qui, au contraire, cherchait à mettre son projet à exécution ; mais un coup de crosse de fusil derrière la tête nous fit raison de son obstination.

Au même instant, nous rencontrâmes une patrouille de fusiliers-chasseurs qui, comme nous, se trouvaient égarés. Le sergent qui la commandait me conta qu’ils avaient rencontré des forçats mettant le feu à plusieurs maisons, et qu’il s’en était trouvé un à qui il avait été obligé d’abattre le poignet d’un coup de sabre, afin de lui faire lâcher prise, et que, la torche étant tombée, il la ramassa de la main gauche, pour continuer de mettre le feu : ils furent obligés de le tuer.

Un peu plus loin, nous entendîmes les cris de plusieurs femmes qui appelaient au secours en français : nous entrâmes dans la maison d’où partaient les cris, croyant