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des vivres. Il en envoya vingt d’un autre côté, parce que la maraude ou le pillage[1], comme on voudra, était permis, mais en recommandant d’y mettre le plus d’ordre possible. Me voilà donc encore parti pour la troisième course de nuit.

Nous traversâmes une grande rue tenant à la place où nous étions. Quoique le feu y avait été mis deux fois, l’on était parvenu à s’en rendre maître, et, depuis ce moment, l’on avait été assez heureux de la préserver. Aussi plusieurs officiers supérieurs, ainsi qu’un grand nombre d’employés de l’armée, y avaient pris leur domicile. Nous en traversâmes encore d’autres où l’on ne voyait plus que la place, marquée par les plaques en tôle des toits ; le vent de la journée précédente en avait balayé les cendres.

Nous arrivâmes dans un quartier où tout était encore debout : l’on n’y voyait que quelques voitures d’équipage, sans chevaux. Le plus grand silence y régnait. Nous visitâmes les voitures : il ne s’y trouvait rien, mais à peine les avions-nous dépassées, qu’un cri féroce se fit entendre derrière nous et fut répété deux fois et à deux distances différentes. Nous écoutâmes quelque temps, et nous n’entendîmes plus rien. Alors nous nous décidâmes à entrer dans deux maisons, moi avec cinq hommes dans la première, et un caporal avec les cinq autres, dans l’autre. Nous allumâmes des lanternes dont nous étions munis, et, le sabre en main, nous nous disposâmes à entrer dans celles qui nous paraissaient devoir renfermer des choses qui pouvaient nous être utiles.

Celle où je voulais entrer était fermée, et la porte garnie de grandes plaques de fer ; cela nous contraria un peu, vu que nous ne voulions pas faire de bruit en l’enfonçant. Mais, ayant remarqué que la cave, dont la porte donnait sur la rue, était ouverte, deux hommes y descendirent. Ils y trouvèrent une trappe qui communiquait dans la maison, de manière qu’il leur fut facile de nous ouvrir la porte. Nous y entrâmes, et nous vîmes que nous étions dans un magasin d’épiceries : rien n’avait été dérangé dans la maison, seulement, dans une chambre à manger, il y avait un peu de

  1. Nos soldats appelaient le pillage de la ville, la « foire de Moscou », (Note de l’auteur.)