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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/72

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fantaisie en or et argent, entre autres un morceau de la croix du grand Ivan[1], c’est-à-dire un morceau de l’enveloppe qui la recouvrait, qui était d’argent doré et qui m’avait été donné par un homme de la compagnie qui avait été commandé de corvée avec d’autres hommes du même état, couvreurs et charpentiers, pour la détacher.

J’avais aussi mon grand uniforme, une grande capote de femme servant à monter à cheval (cette capote était de couleur noisette, doublée en velours vert, et, comme je n’en connaissais pas l’usage, je me figurais que la femme qui l’avait portée avait plus de six pieds) ; plus deux tableaux en argent d’un pied de long sur huit pouces de hauteur, dont les personnages étaient en relief : l’un de ces tableaux représentait le jugement de Pâris, sur le mont Ida. L’autre représentait Neptune, sur un char formé d’une coquille et traîné par des chevaux marins. Tout cela était d’un travail fini. J’avais, en outre, plusieurs médaillons et un crachat d’un prince russe enrichi de brillants. Tous ces objets étaient destinés pour des cadeaux et avaient été trouvés dans des caves où les maisons avaient croulé par suite de l’incendie.

Comme l’on voit, mon sac devait peser, mais, pour qu’il ne soit plus aussi lourd, je laissai sur le terrain ma culotte blanche, prévoyant bien que je n’en aurais pas besoin de sitôt. Sur moi, j’avais, sur ma chemise, un gilet de soie jaune piqué et ouaté que j’avais fait moi-même avec le jupon d’une femme, et, par-dessus tout, un grand collet doublé en peau d’hermine, plus une carnassière suspendue à mon côté et sous mon collet, par un large galon en argent, contenant plusieurs objets parmi lesquels était un Christ en or et argent, ainsi qu’un petit vase en porcelaine de Chine. Ces deux pièces ont échappé au naufrage comme par miracle ; je les possède encore et les conserve comme des reliques. Ensuite, mon fourniment, mes armes et soixante cartouches dans ma giberne ; ajoutez à cela de la santé, de la gaieté, de la bonne volonté et l’espoir de présenter mes hommages aux dames mogoles, chinoises et

  1. J’ai oublié de dire qu’au milieu de la grande croix de Saint-Ivan, il s’en trouvait une petite en or massif, d’un pied de long. (Note de l’auteur.)