Une partie de la paille servit à ceux qui étaient dedans pour se coucher, et, quoiqu’ils fussent les uns sur les autres, ils avaient fait des petits feux pour se chauffer et faire cuire du cheval. Loin de laisser démolir leur habitation, ils menacèrent ceux qui vinrent pour en arracher des planches, de leur tirer des coups de fusil. Même quelques-uns, qui avaient monté sur le toit pour en arracher et qui, déjà, en avaient pris, furent forcés d’en descendre pour ne pas être tués.
Il pouvait être onze heures de la nuit. Une partie de ces malheureux étaient endormis ; d’autres, près des feux, réchauffaient leurs membres. Un bruit confus se fit entendre : c’était le feu qui avait pris dans deux endroits de la grange, dans le milieu et à une des extrémités, contre la porte opposée où nous étions couchés. Lorsque l’on voulut l’ouvrir, les chevaux attachés en dedans, effrayés par les flammes, étouffés par la fumée, se cabrèrent, de sorte que les hommes, malgré leurs efforts, ne purent, de ce côté, se faire un passage. Alors ils voulurent revenir sur l’autre porte, mais impossible de traverser les flammes et la fumée.
La confusion était à son comble ; ceux de l’autre côté de la grange qui n’avaient le feu que d’un côté, s’étaient jetés en masse sur la porte contre laquelle nous étions couchés en dehors et, par ce moyen, empêchèrent de l’ouvrir plus encore. De crainte que d’autres pussent y entrer, ils l’avaient fortement fermée avec une pièce de bois mise en travers ; en moins de deux minutes, tout était en flammes ; le feu, qui avait commencé par la paille sur laquelle les hommes dormaient, s’était vite communiqué au bois sec qui était au-dessus de leurs têtes ; quelques hommes qui, comme nous, étaient couchés près de la porte, voulurent l’ouvrir, mais ce fut inutilement, car elle s’ouvrait en dedans. Alors nous fûmes témoins d’un tableau qu’il serait difficile de peindre. Ce n’étaient que des hurlements sourds et effrayants que l’on entendait ; les malheureux que le feu dévorait jetaient des cris épouvantables ; ils montaient les uns sur les autres afin de se frayer un passage par le toit, mais, lorsqu’il y eut de l’air, les flammes commencèrent à se faire jour, de sorte que, lorsqu’il y en avait qui paraissaient à demi brûlés, les habits en feu et les têtes sans cheveux,