Page:Bournon - Anna Rose-Tree.djvu/12

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ſonne, qui d’un ton nazillard, & en branlant la tête, vous dit avec emphaſe, Miſs, je viens vous chercher, vos Parens vous attendent avec impatience. On m’a préféré pour remplir cette commiſſion ; j’eſpère que vous n’en aurez aucun regret. Afin de vous déſennuyer pendant la route, j’ai appris pluſieurs petits contes ; ſi ma mémoire me le permet, je vous les raconterai. Cet élégant diſcours ſe tenoit en deſcendant d’une vieille voiture menée par des chevaux plus vieux encore : le tout étoit conduit par un cocher borgne & boſſu ; la chère Miſs Roſe-Tree, dont l’humeur contraſte parfaitement avec la mienne, n’a point trouvé à tout cela des raiſons d’abandonner ſa gravité accoutumée. Mais moi, à qui vous reprochez ſouvent de rire ſans ſavoir pourquoi, j’ai imaginé que de ma vie je ne rencontrerois, peut-être, une meilleure occaſion de me livrer à ma gaieté. Il falloit que le ſujet en valut réellement la peine, puiſque la douleur de quitter l’Amie que mon cœur s’eſt choiſie, n’a pu faire diverſion à ma folie ; & ce n’eſt qu’en perdant de vue le groteſque aſſemblage, que j’ai ſenti la grandeur de la perte que je venois de faire, & combien j’étois