Page:Boursault - Germanicus, 1694.djvu/21

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Et si Germanicus aigrit votre courroux Laissez-le moi haïr avant que d'être à vous.

Drusus

À le haïr, Madame, avez-vous quelque pente ?

Agripine

Je ne vous promet pas que mon coeur y consente. Quand il faut à la haine abandonner ses jours, Le coeur à la raison n'obéit pas toujours. Mais, Seigneur, si je puis, je vaincrai ma faiblesse ; Je fuirai le héros que j'aime avec tendresse ; Et je le haïrai, puisqu'on le veut ainsi, De m'avoir voulu plaire, et d'avoir réussi. Laissez-moi le loisir, Seigneur, l'amour l'ordonne, De reprendre le coeur qu'il faut que je vous donne. Un mois est peu de chose, il me suffit.

Drusus

Hélas ! Un mois est peu de chose à vous qui n'aimez pas ! Mais, Madame, aux amants dont les flammes paraissent, Plus un hymen est proche, et plus les désirs croissent. Quelque fausse vertu qu'on oppose à leur cours, S'ils ne sont à leur terme ils augmentent toujours : Du bonheur qu'on attend l'âme est si possédée, Qu'on s'en forme à soi-même une flatteuse idée : On aspire sans cesse à ce jour glorieux ; Et le dernier moment est le plus ennuyeux. Quelque peine pourtant que votre ordre me cause, Je m'en vais pour un mois différer toute chose : À l'effort que je fais joignez-en un égal ; Songez plus à m'aimer qu'à haïr mon rival. Ne vous souvenez pas qu'il eut l'heur de vous plaire, En pensant le haïr vous feriez le contraire.