Page:Boursault - Théâtre, tome troisième, Compagnie des Libraires, 1746.djvu/404

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Tu me dois empêcher d’avoir le cœur sensible.
Quel Monarque a-t-on vu, pendant qu’il a régné,
Qui de mille vertus ne fût accompagné ?
Les Rois qui sur ma tête ont transmis la Couronne
Ont eu, quand ils régnoient, tous les noms qu’on me donne ;
Et ceux, après ma mort, qui me succederont
Les auront à leur tour pendant qu’ils régneront.
Par-là je m’aperçois, ou du moins je soupçonne
Qu’on encense la place autant que la personne ;
Qu’on me rend des honneurs qui ne sont pas pour moi ;
Et que le Trône enfin l’emporte sur le Roy.
Si tu veux que ta foi ne me soit point suspecte,
Ne souffre dans ma Cour nul flatteur qui l’infecte.
L’équité qui par-tout semble emprunter ta voix,
Est ce qu’on s’étudie à déguiser aux Rois.
Pour me la faire aimer, fais-la moi bien connoître ;
Je t’en prie, en ami ; je te l’ordonne, en Maître.
Je suis jeune, & peut-être assez loin du tombeau ;
Mais que sert un long régne, à moins qu’il ne soit beau ?