de l’âme chantait vers l’inanimé ; et l’entrée authentique
d’un monde que la conscience avait créé pour
en donner l’ombre comme asile à sa tristesse infinie,
pour y limiter son ennui en le reposant sur la
forme invisible de l’immensité. Je regardais mon
malade : les yeux clos il savourait la vingtième
pipe. Quels sont les rêves de celui qui a gardé l’être
alors que la vie lui a été retirée ? Un hurlement de
révolte était pour toujours dans ses yeux parce qu’il
n’avait pas supporté l’idée que l’individu le plus
à plaindre du monde pouvait dire de lui : « le pauvre
homme ! »
Il y a une vérité si triste qu’elle briserait pour toujours
la voix d’une amoureuse. Si loin de tout qu’il
faut oublier que l’on est pour s’en inspirer ; et à sa
propre parole parler comme à un enfant si l’on veut
qu’elle réussisse à la proférer : Ah ! On dirait que
tout destin est tragique autour de l’individu qui
porte la clarté dans l’univers dont il désespère.
L’homme qui fumait devant moi s’était rendu davantage
le prisonnier de la matière pour que le ciel
soit son otage ; et je comprenais en le regardant
que je n’étais comme lui qu’une blessure faite
homme. Avec un zèle inlassable, la dernière nuit
que j’ai passée près de lui, je me suis efforcé de