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me promettant d’adresser des reproches à cet ancien soldat, pris de peur, moi aussi, je me hâtai de dérober à une enquête possible les objets inquiétants qui se trouvaient chez le mort. À mesure que je mettais la main sur des ustensiles plus compromettants, je me trouvais plus passionnément attentif à tous les bruits de la rue, mais bientôt je sus que ce n’était pas le pas de la police que je guettais. On aurait dit que Monsieur Sureau me guidait de cachette en cachette avec les mouvements de la vie sur lesquels sa présence laissait traîner son dernier rayon. Et je demeurai soudain immobile afin de mieux écouter une chanson qui semblait donner libre cours au temps dans le mystère que j’avais à me révéler. Une lente mélopée à deux voix qui, d’un bord à l’autre de la rue berçait un jeu d’enfants…
« Ma mère a un drap si grand qu’elle ne peut pas le plier. Ma mère a tant de boutons qu’elle ne peut pas les compter. Ma mère a un ballon si lourd qu’elle ne peut pas le lancer… Le drap c’est le ciel, le ballon c’est la lune, les boutons sont les étoiles. »
Je poussai un soupir de soulagement en trouvant Paule endormie. Nathalie qui veillait sur son sommeil me raconta qu’elle l’avait trouvée au bord du canal, regardant l’eau profonde avec effroi mais empêchée, par une frayeur plus grande encore, de retourner sur ses pas. Le neveu de Nathalie pensait