son pouvoir, indéfiniment, comme si, divisant ses
rayons sur leur propre douceur, il s’éveillait dans
cette rose vivante à toute la clarté qui lui fût donnée.
C’est un peu fort qu’il y ait dans ce monde
un objet étranger à l’espace et si extraordinairement
imprégné de sens que, même hors de nous, il
ne peut nous être qu’inférieur. Je l’ai vérifié de mes
yeux. J’ai vu la figure d’une femme remonter en
dehors de moi le cours de mes songes et mon esprit
sortir en elle de ses liens, se revêtir de l’existence
du ciel et des arbres comme de l’éclat dont il doit
nécessairement se parer pour me prendre, mon
cœur et tout, au dedans de lui-même. Toutes les
fois que je vais vers celle qui m’attend, je ne sais
pas si je marche ou si je cours, ce sont les choses
que je vois qui m’approchent d’elle en ne faisant
qu’un avec nous, en s’absorbant dans une pensée
que mon âme a voulue plus belle afin de mieux s’y
cacher. C’est tout le bonheur d’avoir sa conscience
dans ce qu’on atteint, dans cette douceur, devant
nous où notre enfance se fait femme… »
Il m’interrompit :
« Vous qui êtes libres de vous aimer, le monde ne
se fait si grand que pour mieux vous unir. »
Parole douce comme un souvenir dont toute pensée
serait absente. Je le regardai, avec surprise. Au
bord de la Manche et sous les chênes de Highfield,
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