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la terreur en macédoine

juge de leur allégresse, quand, suivant leur bey, ils se ruent vers le point de l’esplanade où gisent, garrottés, Joannès, Michel et Panitza.

« Frères ! murmure Joannès, la fatalité nous poursuit… nous sommes perdus !… il s’agit de mourir bravement.

— Nous serons forts ! répondent les deux Slaves, et nous montrerons à ces brutes comment succombent des hommes de cœur.

— Et surtout, laissons-leur croire que nous sommes réellement des gendarmes… des Turcs véritables !

« J’espère qu’ils ne nous reconnaîtront pas… et que, nous prenant pour des musulmans, ils se contenteront de nous tuer, sans nous supplicier !

— Oui, tu as raison… tu parleras, toi, et tu diras ce qu’il faut !

— Merci, frères !… merci et adieu !

« J’emporte avec moi deux douleurs !… celle d’avoir perdu Nikéa et celle de vous avoir entraînés avec moi !

— Ne regrette rien, frère ! l’homme qui périt en faisant son devoir n’est pas à plaindre.

« C’était notre destinée.

— Silence !… voici les bourreaux ! »

La horde accourt, suivant Marko. Elle forme un large cercle autour des victimes qui regardent intrépidement ces yeux luisants, ces faces grimaçantes, ces mains crispées en griffes.

Marko les contemple attentivement, examine en détail leurs traits et hausse les épaules. Avec leurs tarbouchs enfoncés jusqu’aux sourcils, leurs joues balafrées par les épines et les pierres éboulées, avec le sang qui les couvre par places, ils sont absolument méconnaissables.