Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/176

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eurs, possédant un magnifique sang-froid, ils surveillent deux à deux la rue et la terrasse. Jusqu’à présent nul parmi eux n’a été atteint. C’est un miracle, car ils se découvrent pour agrandir leur champ de tir.

Impassible et superbe au milieu des balles, Michel avance toujours d’échelon en échelon. Insensible au vertige, il arrive enfin et saisit le bébé. La mère, agonisante, jette un suprême regard sur le petit être qui est la chair de sa chair, crache un flot de sang et râle :

« Sois béni !… frère… sois… béni !… »

Puis elle tombe morte !

Tenant l’enfant collé à sa poitrine, Michel voit des têtes, des épaules, des bras qui surgissent du sommet de l’escalier. Les sopadjis !… il décharge au hasard son revolver dans le tas, enfile en courant l’échelle qui plie et ressaute, et revient sans une égratignure. Il remet l’enfant à Nikéa, pendant que ses amis font un feu d’enfer.

Ce drame dure quelques secondes, rapides comme la pensée. Mais il n’est pas fini. L’autre femme est restée là-bas !…

Anéantie par la terreur, elle est incapable de suivre le périlleux passage… Elle gémit, tend des mains suppliantes et contemple, hagarde, ces flammes, ces fumées, ces jets de poudre, ces hommes qui la menacent, ces autres qui veulent la sauver…

Oh ! l’atroce vision d’horreurs !

Elle gémit toujours, tord ses bras avec désespoir, et tombe à genoux près du cadavre écroulé, tout d’une pièce, la face au ciel. Un nouveau groupe va surgir de l’escalier, envahir la terrasse et massacrer la malheureuse.