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la terreur en macédoine

groupe compact, la baïonnette en avant, répètent le cri qui vibre au loin :

« En avant ! »

Deux coups de sifflet retentissent ; puis le silence. Ces coups de sifflet proviennent des patriotes et ont la même tonalité que les précédents. Mais ils ne sont pas, comme eux, suivis par la décharge des mannlichers ; on dirait un signal de retraite.

Chose étrange, cette ligne de combattants qui faisait une si terrible besogne semble s’être évanouie. Il ne reste plus trace des soldats de Joannès.

Les Albanais, qui bondissent sur un front mesurant plus de cent cinquante mètres, ne rencontrent rien.

Néanmoins, ils vont toujours, précédés de leur chef qui commence à s’inquiéter.

Marko, chez qui l’intrépidité s’allie si bien à la prudence, comprend d’instinct qu’il court à un danger mystérieux et d’autant plus redoutable.

Il voudrait voir… sentir… entendre !… n’être plus un aveugle qui se débat dans la nuit, avec cette conscience du péril qui l’enveloppe et va s’abattre sur lui.

Au fond, il comprend que cet escamotage réellement effrayant n’est qu’une feinte. Mais sa nature de sauvage et, pour tout dire, d’impulsif ignore le recul. Un nuage rouge s’étend sur ses yeux, cette vision sanglante des hommes de massacre qui tuent sans savoir, d’instinct, comme les bêtes de proie !

Et pour la troisième fois il rugit :

« En avant !… à mort !… à mort !… »