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la terreur en macédoine

— « Laisse-moi ! gémit le blessé ; laisse-moi… je le veux… vous… fuyez… moi, je suis perdu !

— Ça, jamais ! dit le camarade… je te sauverai… ou j’y laisserai ma peau !

— Tu ne vois donc pas… que je vous perds… et il faut que vous viviez… oui… tous !… pour la patrie. »

De son bras valide, il saisit son revolver, met ses dernières forces dans ce cri suprême :

« Vive la Macédoine libre ! »

En même temps il applique l’arme sur sa tempe et se fait sauter la cervelle.

Terrifié, le camarade maintient un moment le cadavre en selle, et murmure d’une voix hachée de sanglots :

« Pauvre Darnia !… il se sacrifie pour nous. »

Mais les vivants n’ont plus le temps de penser aux morts. Toutes leurs facultés se concentrent dans la fuite qui devient de plus en plus difficile. Ils arrivent au milieu des roches où la course des chevaux sera bientôt impossible. Par bonheur ils ont réussi à distancer Marko et son escadron. Le galop se maintient quelque temps. Puis il faut prendre le trot, et enfin marcher au pas.

Ce pas du cheval est infiniment moins rapide que celui des rudes montagnards de Macédoine.

« Pied à terre ! » commande Joannès.

Les combattants, réduits maintenant à dix-huit, quittent la selle et abandonnent résolument les chevaux au milieu du chaos des roches éboulées. Les cavaliers de Marko seront bientôt forcés de les imiter. Mais cela ne les gêne pas. Eux aussi sont d’intrépides piétons, habitués dès l’enfance à se jouer des plus terribles escarpements.