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la terreur en macédoine

de chrétiens. Leurs obligations vis-à-vis de ces groupes étaient très simples. Ils devaient les défendre, ne pas les attaquer et ne pas se faire attaquer par eux. Chose très belle, en principe, et qui constituait une sorte de tutelle qu’ils pouvaient rendre douce et très paternelle.

Ce fut en réalité une tyrannie abominable et le plus affreux des brigandages, car tyrannie et brigandage s’abritaient sous une sorte de légalité, qui émanait directement du maître. On va voir comment et pourquoi.

Les attributions des beys comprenaient le droit de percevoir annuellement, pour leurs bons offices, un impôt personnel — tchetel — sur les moissons, les troupeaux et les produits industriels.

Cet impôt, les beys l’établissaient au gré de leurs besoins ou de leur avidité. Et ils le faisaient rentrer par tous les moyens qu’il leur plaisait d’employer, même les plus vexatoires, les plus inhumains, les plus féroces. Ce fut le règne de la terreur, et les malheureux paysans ne travaillèrent plus que pour l’impôt, l’impôt usuraire, maudit, sanguinaire, qui, pétri de leurs sueurs et de leurs larmes dévorait les troupeaux, les maisons, les champs, les existences !

Car le bey, taillant, rognant, massacrant à sa guise, n’avait de contrôle que son bon plaisir, de mesure que son âpreté, de frein que sa cruauté. Naturellement, l’autorité turque laissait faire, quand elle n’encourageait pas. Car c’était là tout ce que voulait le conquérant.

En tenant courbés sous l’épouvante les clans chrétiens désunis, les beys achevaient d’asservir les anciens soldats de Jean Hunyade et de Scanderberg,