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la terreur en macédoine

reusement, il y a dans l’application les beys albanais dont il faut tenir compte. Ces véritables écumeurs du moyen âge, dont l’existence constitue à notre époque un étrange anachronisme, sont demeurés envers et contre tous aussi pillards, aussi indomptés, aussi féroces qu’il y a cinq cents ans. Ils n’ont rien oublié, rien changé, rien cédé. Leur puissance, aussi formidable que jamais, s’est maintenue parallèlement à la puissance du sultan, et ils opèrent comme par le passé, avec la même désinvolture alliée à la plus complète impunité.

Le gouvernement est bien forcé de laisser faire. Il ne peut et n’ose pas sévir. D’abord, parce qu’il n’est pas sûr d’être le plus fort et qu’une guerre de partisans au milieu des montagnes d’Albanie serait désastreuse, même avec la victoire finale.

Ensuite, il y a le dieu bacchich, ce pot-de-vin des musulmans buveurs d’eau, qui règne là-bas en souverain maître. Le bacchich, fléau de la Turquie, achète tout !… depuis le vali jusqu’au garde champêtre, depuis le général en chef jusqu’au gendarme. Il paye les complicités au moins passives avec l’argent des autres.

Comme les beys ont des procédés infaillibles pour percevoir l’impôt, comme ils sont généreux, le gouvernement turc ferme les yeux, et tout le monde, fonctionnaires, soldats et Albanais, vit sur le dos du contribuable forcé : le paysan !

Le bey se trouve donc, par le fait, grand collecteur d’impôts. Et cette fonction que nul ne lui conteste plus est un véritable sacerdoce, et pour tout dire l’essence même de sa vie aventureuse, pillarde et cruelle.

D’autre part, une façon d’opérer qui n’appartient qu’à lui.