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Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/61

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la terreur en macédoine

C’est une belle rivière, large, profonde, limpide et encaissée d’épais roseaux. La troupe, sans retard, se met à en effectuer le passage. Une opération qui lui est évidemment familière. En tête s’avance le porte-bannière. Puis un peloton de vingt-cinq hommes, sur cinq de front. Puis Nikol et Marko, et derrière eux le reste des cavaliers.

Les chevaux s’abreuvent largement, et entrent avec précaution dans le courant peu rapide, mais profond. Cette rivière est la Sitnitza[1], qui traverse l’ancien lac desséché depuis des milliers d’années et dont le fond a formé la plaine de Kossovo.

Les trois groupes suivent, sans s’écarter latéralement, la ligne familière du gué. Des sarcelles s’enfuient à tire-d’aile de la futaie de roseaux. L’eau devient plus profonde. Peu à peu les chevaux enfoncent jusqu’au genou, puis jusqu’au ventre, puis jusqu’au poitrail.

Au contact du liquide, Joannès s’agite et relève la tête pour ne pas être asphyxié. Nikol se met à rire et dit en aparté :

« Va ! gigote ! souffle et tortille-toi !

« Les cordes qui t’attachent sont bonnes et les nœuds solides… oui… oui… gigote et tiens bon l’équilibre si tu ne veux pas boire un coup. »

Cela dure cinq bonnes minutes. Puis on atteint la seconde ligne de roseaux. La rivière est presque franchie, l’autre rive n’est qu’à une quinzaine de mètres.

  1. La Sitnitza est un sous-affluent du Danube. Elle se jette dans l’Ibar, tributaire de la Morava serbe qui se perd dans le Danube, rive droite, à environ 55 kilomètres en aval de Belgrade.