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la terreur en macédoine

plouf ! et hachent les roseaux. En une minute, cinq cents coups de martini sont tirés. Cinq cents projectiles ont criblé l’abîme où les deux hommes ont disparu et la futaie de roseaux qui l’entoure.

Marko abaisse le canon brûlant de son arme et commande :

« Cessez le feu ! »

Et dans le grand silence qui s’établit soudain, une voix s’élève. Une voix de femme d’une pureté admirable, d’une étendue surprenante. La voix chante les luttes et les malheurs d’autrefois. Elle vibre, lente et grave, dans ce mode mineur où sanglote l’âme des peuples martyrs…

« Kossovo !… Kossovo sanglant !…

« Tu es la plaine où le sang ruissela… Tu as bu le sang généreux des héros… des héros qui succombèrent en défendant le sol sacré… le sol rougi de la patrie mourante ! Jean Corvin[1]… Iskander[2]… où êtes-vous ?

« Kossovo !… Kossovo maudit !…

« Le sang engraisse la terre… La terre produit le blé. Oh ! sang, généreux d’Iskander et de Corvin… fais croître des lances parmi les épis… que le blé nourri par toi donne à nos jeunes hommes… leurs vertus guerrières !

« Kossovo sanglant !… Kossovo maudit !… Vengeons Kossovo ! » Interdits et charmés, les Albanais écoutent avec une admiration à laquelle se mêle une sorte de crainte superstitieuse. Ces bandits, ces tortionnaires, ces

  1. Jean-Corvin Huniade.
  2. Scanderberg et mieux Iskander-bey.