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la terreur en macédoine

gère encore ses contorsions d’homme qui se noie et fait de nouveau rire aux larmes Nikol.

Alors, de ses deux mains engourdies, il pousse l’angle de l’étrier sur le flanc du cheval. Il presse en même temps, et de toute sa force, de façon à balafrer cruellement le noble animal. Brusquement, la peau est tranchée net, comme par un sabre.

Le cheval, blessé, endolori, se cabre. Joannès attend le moment favorable et respire de nouveau. Nikol, voyant sa monture affolée, reculer, battre l’eau des pieds de devant, cesse de rire.

Brusquement, le groupe s’effondre et glisse dans un trou profond de huit mètres ! Nikol, cavalier admirable, étreint son cheval entre ses jambes, le maîtrise de la bride, le ramasse et l’empêche d’aller en dérive.

C’est une statue équestre qui descend… descend… au milieu de végétaux enchevêtrés, de vases molles, de choses étranges et sinistres…

Glou… glou… glou… de grosses bulles d’air sorties des naseaux de la bête viennent crever à la surface, puis cheval et cavalier remontent d’un seul coup.

Joannès n’a pas attendu ce moment. Avec son calme inouï, il s’est doucement laissé aller à l’instant précis de la chute. Au lieu de s’abîmer au fond du gouffre, il a nagé sans bruit avec ses mains, a glissé entre deux eaux, puis s’est engagé dans les tiges de roseaux. Bien caché par les feuilles, il demeure au bord de l’entonnoir, les lèvres et le nez à peine sortis du liquide.

Alors ont lieu les invectives de Marko, qui menace de mort Nikol. Et Nikol, voulant réparer sa faute, se débarrasse de ses armes pour plonger dans l’abîme d’où il vient de s’arracher.