En deux minutes la transformation est opérée. Superbes sous le harnais guerrier, Michel et Panitza forment une paire de gendarmes dont serait fière Sa Hautesse elle-même, Abdul-Hamid Khan, padischah de toutes les Turquies.
Gravement ils portent la main en dehors au tarbouch rouge, font le salut militaire et demandent :
« Voyons, chef, il te faut aussi un uniforme ?
— Oui, celui du premier tué.
« Je vais le revêtir en deux temps !… vous, ouvrez l’œil et surveillez ces lascars-là. »
Pendant ce temps, les deux chevaux n’ont bougé. Habitués aux longues stations, ils attendent patiemment, la bride basse, en broutant l’herbe. Celui du sous-officier tué par Michel est parti affolé. On ne l’a pas revu. Mais celui de l’homme abattu ensuite par Joannès est venu retrouver les deux autres.
Déguisé à son tour en gendarme, Joannès va vers eux, les prend tous les trois en bride, et dit aux prisonniers tout piteux, en chemise et pieds nus :
« Si le cœur vous en dit, vous pouvez revêtir nos vêtements civils ; mais dépêchez-vous. »
L’un d’eux répond d’un ton pleurard :
« Jamais nous n’oserons rentrer sans armes, sans chevaux et ainsi fagotés à notre caserne !
— Nous serions pendus ! affirme l’autre.
— Dépêchez-vous, riposte Joannès de sa voix coupante et sans réplique, ou nous vous garrottons tout nus.
— Ah ! chef, dit l’un d’eux, si tu voulais nous accepter dans ta bande, nous te suivrions jusqu’au bout du monde.
— Pas possible ! s’écria Joannès interdit.