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DES RAPPORTS ET DES LIMITES

le doit faire l’homme d’État ? Cette idée, quoique discréditée en elle-même, n’en est pas moins la source unique et la clef d’un grand nombre de nos conceptions politiques maîtresses. — Récemment une discussion s’est élevée à l’Académie des sciences morales au sujet du mandat législatif. M. Courcelle-Seneuil, M. Leroy-Beaulieu n’ont pas eu de peine à montrer la singulière perversion d’idées produite par la notion du mandat civil, s’introduisant dans le droit politique, ou plutôt s’y perpétuant sans raison, après que la représentation avait changé de caractère et que la Chambre avait cessé d’être un organe de griefs pour devenir la base d’un gouvernement. Il y a là une action multiple et incessante qui a pu servir plus d’une fois la liberté et la justice, qui plus souvent les a compromises en même temps que l’intérêt de l’État. Bienvenu serait un changement de direction qu’il n’appartient qu’à l’esprit historique de provoquer et d’éclairer.

Dégageons rapidement les conséquences de ce qui précède, pour le sujet en délibération dans les Facultés. Que, pour avoir augmenté un peu le droit public aux dépens du droit privé et de l’histoire (on ne propose guère autre chose), on se flatte d’avoir organisé dans les Facultés une branche spéciale d’études, méritant d’être consacrée par un grade ou un diplôme distinct ; qu’on se croie autorisé à inscrire sur ce diplôme le nom de « sciences politiques et administratives », ce qui implique la prétention de former — sans l’histoire — le diplomate et l’homme d’État, j’ai montré combien cela est chimérique et excessif. Que les Facultés se préoccupent de mieux former l’administrateur, au sens étroit et pratique du mot ; qu’elles fortifient et adaptent à cette fin leur enseignement, cela est possible, expédient, légitime, à condition que l’on voie et dise clairement le peu qu’on veut, qu’on emploie des noms à la mesure des choses, et qu’on ait égard aux limites naturelles des différents groupes scientifiques. – Les études juridiques et les études politiques forment deux systèmes distincts, moins encore par leurs matières, qui comprennent plusieurs parties communes, que par l’orientation et la méthode. Le droit public et l’économie politique figurent dans l’un et dans l’autre, à titre de complément ou d’annexe, à un degré plus ou moins marqué de dépendance. Est-il prudent aux Facultés de droit de les relever chez elles de cette condition ancillaire ? Il ne m’appartient pas d’en décider. On a vu des parents pauvres, accueillis avec bonne grâce et invités à prendre leurs aises, élever un peu trop le ton et donner à la fin de l’embarras. — Quant aux études politiques, je n’hésite pas à prononcer qu’on ferait un tort considérable à ce