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DES RAPPORTS ET DES LIMITES

seconde nature se soulèveraient contre une telle transformation, et il est probable que, dans leur long effort pour s’adapter à leur tâche nouvelle et complexe, elles commenceraient par perdre les qualités qui les rendent admirablement propres à leur œuvre ancienne et restreinte. C’est cependant la seule combinaison par laquelle les Facultés puissent s’annexer les études politiques, non pas fictivement, mais réellement, et sans les désorganiser ou les dénaturer. L’aventure est certes périlleuse, et il y aurait là une longue et terrible période à traverser.

On n’est nullement dans la nécessité de courir de tels risques. Une combinaison plus facile et plus sûre consisterait à fortifier, à enrichir toutes les branches de l’enseignement dans les Facultés de droit, mais sans rien changer aux rapports, à l’ordre hiérarchique, à l’importance comparative des différents groupes d’études. Les créations de cours pourront profiter plus particulièrement au droit public, trop négligé jusqu’à présent ; mais on ne cessera pas de le considérer comme un simple, utile, nécessaire complément des études de droit privé ; on ne dissimulera pas sa condition de tributaire ; on se gardera de lui conférer, par un grade ou un diplôme spécial, une autorité nominale et une autonomie apparente qu’il ne recevrait que pour les inféoder, pour en user en subalterne à l’intérieur des Facultés, en privilégié au dehors, toujours selon l’esprit des études proprement juridiques dont il continuerait de dépendre ; on ne lui donnera pas titre pour limiter ou entraver le libre développement de l’ensemble scientifique dont il n’est qu’une fraction. Voilà, je crois, la solution la plus satisfaisante.

Quant à la combinaison mixte, — j’y reviens — qui consiste à faire des Facultés de droit le siège officiel des études politiques, de la loi civile l’institutrice unique de ces études, réduites d’ailleurs au droit public et isolées de l’histoire nourricière, elle repose, ce semble, sur une illusion et un entraînement passagers : illusion de praticiens courbés sur le résultat positif immédiat, entraînement de dialecticiens engrenés dans leurs syllogismes, et qui n’ont pas encore relevé les yeux vers les perspectives où s’éclaire le haut et le fond de la question. Nous doutons fort que cette prétendue réforme soit prise à gré, après mûr examen, par les hommes éclairés qui en sont actuellement saisis.



Paris. — Typ. G. Chamerot, 19, rue des Saints-Pères. — 24121.