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30 LES TYPOGRAPHES.

priver à l’improviste de tout moyen d’existence, aussitôt une circulaire court les imprimeries, une liste de souscription se forme, s’allonge, se remplit, se gonfle et se résout en une somme assez ronde qui tombe inopinément dans la main du pauvre diable. Cela se fait avec délicatesse ; souvent même la charité porte les typographes à venir au secours d’individus étrangers à leur profession. »

Voilà le portrait du typographe actuel ; nous l’avons tracé avec tout le soin et toute la vérité possible. Pourtant il nous reste encore un trait à ajouter qui n’est point en faveur de notre modèle : nous voulons parler de sa propension à fêter plus que de raison la dive bouteille. C’est surtout dans la nombreuse armée des rouleurs[1], c’est-à-dire des ouvriers qui ne séjournent pas longtemps dans la même imprimerie, que se rencontre le plus de « courtisans de la dive bouteille, » comme on disait jadis ; c’est là que fourmillent les poivreaux, ces incorrigibles ivrognes, souvent habiles ouvriers, mais qui ne savent jamais résister à la tentation de prendre une tasse, d’écraser un grain ou d’étouffer un perroquet. Ceux-là saisissent aux cheveux la moindre occasion de prendre la barbe, et, sous le fallacieux prétexte de rendre les derniers devoirs à un ami, ils ne manquent jamais de manger le traditionnel lapin et de s’enivrer à l’issue de la cérémonie funèbre. Nous n’avons pas besoin de dire

  1. Voir au Dictionnaire le portrait du rouleur, tracé d’une façon aussi exacte que pittoresque par notre ami M. Ulysse Delestre.