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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/59

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XIe siècle. S. Bruno, fondateur.

Bruno est le type achevé de l’ascète parvenu au sommet de la perfection, tel que le dépeint Denis le Chartreux[1] : le contemplatif parfait, dit-il, est un homme dont les sens extérieurs, les passions et toutes les facultés intellectuelles obéissent aveuglément aux ordres de la raison, et chez qui la raison, humble et docile, se soumet pleinement à la foi ; chez l’ascète ou le contemplatif consommé, la partie inférieure est établie dans un calme imperturbable, ce qui est honnête et raisonnable y exerce un empire aussi absolu qu’il est plein de suavité ; quant à la partie supérieure (c’est-à-dire l’âme élevée par la grâce à l’état surnaturel), marchant au-dessus de ce monde matériel qui l’entoure, planant au-dessus de ce monde intellectuel qu’elle porte en elle-même, elle conserve toujours l’œil de l’intelligence et de la foi dirigé en haut et tourné vers les cieux.

Lorsqu’un homme de ce genre apparaît ici-bas, personne ne se méprend sur son mérite, il est une gloire pour l’humanité qu’il élève à son plus haut degré de perfection, on voit en lui comme un modèle de ce qu’aurait été l’homme sans le péché originel ; quoique l’un de nous, il est au-dessus de nous ; aussi, ne fît-il que passer, son souvenir reste impérissable dans la mémoire de ceux mêmes qui ne l’ont qu’entrevu. C’est ce qui s’est réalisé à la lettre pour saint Bruno. Lui, étranger au pays, reste peu de temps dans les montagnes du Dauphiné, perdu au fond des bois ; il ne parle pas, il n’écrit pas, il se cache et s’enfuit ; après six ans, il

  1. Voir surtout : de Fonte Lucis, et son Prœcordiale.