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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/61

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XIIe siècle. R. P. D. Guigues.

grande vertu, il joignait de grands talents, et les ouvrages qui nous restent de lui sont loin d’être sans mérite. Outre une bonne et savante édition des lettres de saint Jérôme, il publia quelques traités de spiritualité peu connus et fort dignes de l’être, entre autres des Méditations sur la vérité.

Guigues se montra surtout un remarquable administrateur : il n’y avait que deux maisons lorsqu’il prit l’habit ; à sa mort, trente années plus tard (1137), on en comptait déjà une quinzaine. Comprenant sans peine qu’il fallait donner à toutes ces nouvelles fondations un code de lois uniforme, il rédigea dans ce but, en 1128, les Consuetudines ou Coutumes. Le titre explique tout l’ouvrage. Guigues ne dit point ce qu’il veut que l’on fasse, il met seulement par écrit ce qui s’est pratiqué jusqu’alors[1] ; il indique les usages de la Grande Chartreuse, usages qui devaient être la Règle de toutes les autres maisons. Il n’est donc point législateur, il est témoin, il constate ; aussi la formule qui revient le plus sous sa plume est : hæc agere consuevimus, voici notre manière d’agir sur tel ou tel point. Quel est donc alors le premier auteur des usages cartusiens ? C’est saint Bruno lui-même qui, par ses exemples et ses paroles, montra dans sa personne le type idéal et vivant du véritable Chartreux. Bruno n’écrivit rien, il parla et surtout il agit ; plus tard, l’écriture fixa ses enseignements qui sont devenus notre loi fondamentale. Profonde sagesse de notre Patriarche calquée sur la con-

  1. Institutum Cartusianum tunc sola traditione constabat. Le Masson, Annales, p. 33.