Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses découvertes des révélations divines. Mais qu’importe l’explication que l’individu se donne à lui-même de la voie par où les idées sont entrées dans sa conscience ? La géométrie analytique de Descartes en est-elle moins vraie, parce qu’il en rapportait l’invention à l’assistance de la sainte Vierge ? C’est peut-être une suite de la constitution de l’esprit humain d’attribuer d’abord à une révélation surnaturelle et de considérer comme venant du dehors dans son esprit les idées nouvelles qui surgissent en lui et qui lui imposent par leur lumière et par leur beauté. Les essences platoniciennes, le νοΰςι d’Aristote, l’idéal chrétien, les principes suprêmes de la connaissance et de l’action ont été reçus pour des êtres et des choses en soi avant d’être expliqués par les lois de l’esprit humain. Le naturel a d’abord été surnaturel ; car le génie ne sait comment il procède, et il s’apparaît à lui-même comme un Dieu qui visite la créature. Boehme, il est vrai, ne se contente pas de recevoir dans son intelligence les révélations de l’intelligence divine : il est visionnaire. La sagesse incréée, la Vierge éternelle lui est apparue plusieurs fois. Mais un enthousiasme, même quelque peu maladif, peut aussi bien accroître qu’affaiblir les forces de l’esprit humain ; et il arrive que l’ébranlement de l’organisme est justement l’effet de la tension excessive à laquelle l’esprit a dû le soumettre pour réaliser ses créations. Le roseau pensant plie sous l’effort de la pensée, plus encore que sous le poids de la matière. Il n’est en défi-