Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA PHILOSOPHIE ÉCOSSAISE ET LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE 425

recherche, où l’on n’aurait à compter qu’avec les faits et les réalités, non avec des idées et des formules interposées entre les faits et nous. « On ne pardonnerait pas, dit Jouffroy, à des disciples de Reid ou de M. Royer-Collard de s’enfermer dans le cercle de leurs idées ; ne point chercher incessamment à le franchir, serait en quelque sorte manquer de respect à leur enseignement. »

En même temps, on vit avec joie la philosophie enfin en possession d’une méthode qui lui permettait de se constituer et d’avancer peu à peu comme les autres sciences, au lieu de se repaître de fallacieux triomphes, sans lendemain et sans résultat. Grâce à la modestie écossaise, que Royer-Collard avait opposée, en véritable janséniste, à l’orgueil des faiseurs de systèmes, on comptait obtenir enfin des résultats durables, accumulables, et mettre un terme à l’éternel recommencement tant reproché à la philosophie.

Sans doute aussi, on goûta l’accord du nouvel enseignement avec les besoins moraux qui se manifestaient avec force dans la société. Mais on n’entendait pas subordonner les recherches à cet intérêt. On n’avait nulle tendance au mysticisme. En morale même on cherchait des démonstrations scientifiques. C’était par la résolution certaine des problèmes théoriques que l’on pensait se mettre en mesure de résoudre les problèmes pratiques.

Dès 1815, Royer-Collard fut suppléé par Victor