Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/38

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Mais admettre l’existence d’une telle force, n’est-ce pas restaurer les qualités occultes ? Newton, nous le savons par ses déclarations mêmes, n’entend pas, par l’attraction, une force métaphysique analogue à l’action d’une âme. Ce n’est là pour lui qu’une expression, et comme une métaphore, désignant une relation phénoménale. Il n’en reste pas moins que, pour lui, la force est la cause du mouvement. Or, la cause doit être antérieure à l’effet. Si donc ce n’est pas là une qualité occulte, c’est du moins encore quelque chose de métaphysique et d’invisible, qui précède logiquement les phénomènes. Les mathématiciens s’en sont rendu compte. Aussi les voit-on, aujourd’hui, s’efforcer de transformer le rapport de la force au mouvement en une simple dépendance mutuelle, en un rapport de solidarité. C’est en ce sens que la force est définie comme le produit de la masse par l’accélération. La force et le mouvement sont ici deux données, qui sont en relation l’une avec l’autre, sans que l’on ait à poser la question de savoir si c’est la force qui est cause du mouvement ou si c’est le mouvement qui est cause de la force : telle est la relation du diamètre à la circonférence.

La force, ainsi conçue, se réduit-elle à une notion purement mathématique, ou contient-elle quelque élément nouveau ? Sans doute, la mécanique abstraite ne diffère pas des mathématiques et consiste uniquement en des substitutions de formules. Mais la mécanique abstraite ne suffit pas pour arriver à la science de la nature. Newton l’a bien vu ; c’est dans l’expérience qu’il cherche les principes mathématiques de sa philosophie naturelle. Or, quel est cet élément qui ne se