Page:Boutroux - De la contingence des lois de la nature.djvu/66

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Dira-t-on qu’il peut se produire dans la nature des cas analogues aux hypothèses des problèmes qui comportent indifféremment plusieurs solutions, parce que toutes les conditions qui seraient nécessaires pour déterminer entièrement le résultat ne se rencontrent pas dans les données ; et que, dans ces cas du moins, la réalisation d’une résultante, de préférence aux autres, est contingente ?

Mais ce serait méconnaître la loi suivant laquelle, lorsqu’il n’y a pas de raison pour qu’un contraire se réalise plutôt que l’autre, il ne se produit rien.

Alléguera-t-on que le calcul des probabilités rend concevable une permanence relative de l’ensemble malgré la variabilité contingente des détails ; et que la découverte de la détermination inhérente au tout ne peut se retourner contre l’hypothèse primordiale de cas particuliers absolument fortuits ?

Mais il est inexact que, dans la réalité, les cas particuliers soient jamais absolument fortuits. Le nombre des boules que contient un sac, par exemple, est un élément de détermination ; et c’est précisément l’existence de cet élément qui entraîne l’existence d’une moyenne constante. Quant à l’indétermination apparente des cas particuliers, ne s’évanouit-elle pas si l’on admet l’existence, dans la nature, de deux sortes de causes : les unes convergentes, permanentes et universelles, celles-là mêmes qui engendrent la loi ; les autres insignifiantes, passagères et dépourvues de convergence, qui s’annulent sensiblement entre elles et équivalent ainsi pratiquement au hasard supposé par le mathématicien ? Le calcul des probabilités rentre dans le cas des problèmes dont les données sont incomplètes. Or n’est-ce pas là une abstraction artificielle ?

Peut-on enfin scinder le monde donné, et admettre que la loi de la conservation de la force, nécessaire et absolue,