Page:Boutroux - De la contingence des lois de la nature.djvu/97

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ordres ? Comment ramener à une même unité spécifique la diversité des formes et des fonctions vitales ? Il faut pourtant avoir mesuré les variations respectives de deux quantités, pour pouvoir considérer l’une comme fonction de l’autre.

D’ailleurs, la vie n’est-elle pas souvent une lutte contre les forces physiques ; et ce phénomène se concevrait-il, si les fonctions vitales n’étaient que la traduction pure et simple des phénomènes physiques dans un autre langage ?

Enfin n’y a-t-il pas une disproportion infinie, surtout chez les êtres supérieurs, entre les changements physiologiques et les changements physiques correspondants ; par exemple, entre la transition physiologique de la vie à la mort et les conditions physiques de cette transition ? S’il est vrai que toute maladie soit une modification, non seulement physiologique, mais encore physique, cette modification, qui est un désordre au point de vue de la vie, en est-elle une au point de vue de la matière ?

On ne peut donc arguer de la correspondance qui existe entre les phénomènes vitaux et les phénomènes physiques pour étendre aux premiers le degré de nécessité qui subsiste dans la loi des seconds. Si l’ordre des phénomènes vitaux est nécessaire, c’est en eux-mêmes que résident la raison et la mesure de cette nécessité.

Les lois essentielles de la vie semblent être, comme les lois physiques et mathématiques, une expression appropriée de la formule : « Rien ne se perd, rien ne se crée. »

La loi des corrélations organiques suppose, entre les fonctions partielles et la fonction totale, une relation analogue à celle qui existe entre des forces concourantes et une résultante déterminée. Si l’une des forces concourantes est modifiée, la résultante ne pourra demeurer la même qu’au moyen de modifications corrélatives subies par les autres forces