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par lequel un homme est préparé à recevoir le don de la grâce est un acte du libre arbitre mû par Dieu, et procède principalement de Dieu. Duns Scot, au contraire, inclina au pélagianisme. Le péché originel, selon lui, a dépouillé l’homme des biens surnaturels, mais lui a laissé les biens naturels. Son libre arbitre subsiste. Il peut, par lui-même, se préparer à recevoir la première grâce, et la mériter. En ce même sens, les thomistes en vinrent à dire que l’homme possède, par lui-même, le pouvoir, et que la grâce efficace n’est nécessaire que pour amener le passage du pouvoir à l’acte. Et cette grâce efficace même ne produisait l’acte que si la volonté libre y donnait son consentement.

Tandis que les scolastiques, bien que penchant d’un côté ou de l’autre, cherchaient à concilier le point de vue chrétien et le point de vue païen, la Réforme, préoccupée de purifier le christianisme de tout ce qui n’était pas de son essence, repoussa toute idée de conciliation. Luther nia purement et simplement le mérite des œuvres, et soutint que les mérites de Jésus-Christ nous justifient, par cela seul que nous croyons que par eux nous sommes justifiés. C’était la grâce opposée entièrement à la nature.

L’œuvre du concile de Trente consista à maintenir avec la même énergie deux principes que l’on croyait également nécessaires, également vrais. D’une part la grâce est toute-puissante, et une vocation gratuite est nécessaire pour que l’homme entre dans la voie du salut. D’autre part, l’homme est libre, et son libre assentiment est requis pour que la grâce opère en lui.